En 2007, Aidan Weston-Lewis a très justement attribué au peintre Vicente Carducho (Florence, c. 1576-Madrid, 1638) une esquisse peinte en grisaille se basant sur les analogies qu’elle présente avec la sainte famille du Prado [1].

Cette esquisse représente une Vierge à l’Enfant accompagnée de plusieurs saints: debout à gauche, et sur un second plan, figurent Marie Madeleine avec le vase à huile entre ses mains, tandis que la droite est occupée par une figure qu’on peut identifier comme étant saint Joseph. Au premier plan, et à genoux, Carducho a représenté une sainte qui lie ses mains à celles de l’Enfant ; à droite, une figure masculine peut être identifiée comme la représentation d’un saint écrivain, probablement l’un des évangélistes. Mais l’identité de ces deux saints nous est donnée par la version définitive de l’œuvre de Carducho, que nous avons pu identifier comme étant le tableau du Mariage mystique de saint Catherine d’Alexandrie, qui se trouvait dans une collection privée à Madrid en 1976 [2].

La sainte agenouillée est donc saint Catherine, qui dans le tableau apparait couronnée et portant la palme du martyre. Enfin, la figure assise sur la droite en dialogue avec la Vierge doit être, étant donnée sa jeunesse, une représentation de saint Jean Évangéliste.

Pérez Sánchez avait déjà mis en rapport ce tableau-ci avec la Sainte Famille du Prado, en proposant de le dater sur la dernière étape de sa production. L’historien renforça son argument comparant la figure de l’évangéliste avec celle du retable de Braojos peint par Carducho en 1633, et celle de sainte Catherine avec la Sainte Agnès du Prado de 1637, dont le visage est très similaire [3].

Par ailleurs, la Sainte Famille du Prado et le Mariage mystique de saint Catherine d’Alexandrie révèlent que Carducho connaissait la Sainte Famille avec le cardinal Ferdinando de’ Medici d’Alessandro Allori (1535-1607) également au Prado [4].

Ce tableau, acquis par l’état espagnol en 1864, se trouvait probablement en Espagne déjà au XVII^e siècle. Lecchini Giovannoni pense qu’il fut peint pour y être envoyé comme cadeau diplomatique du Cardinal [5]. En tout cas, les analogies formelles dans la composition du groupe de la Vierge à l’Enfant des trois œuvres de Carducho citées semblent le confirmer.

Au XIX^e siècle, l’esquisse  borroncillo du Mariage mystique de saint Catherine d’Alexandrie fit partie de la collection parisienne de Charles Gasc. Elle y était attribuée à Alonso Cano (1601-1667) [6]. Dans le revers de la toile figure une des annotations habituelles de ce collectionneur, qui indiquait toujours sur les pièces de sa collection le nom de l’artiste, sa chronologie, le nom de son maître, les dimensions de l’œuvre et le mode d’acquisition :

“Cano (Alonzo Alexis) né à Grenade le 19 mars 1601 mort le 3 Octobre 1667, élève de Pacheco à Séville, de J. del Castillo et de Herrera dessin acheté…à Séville en 1839. H=Om2.5L=Om196 C. Gasc”. [7]

Dans son testament, Vicente Carducho lega à son disciple Francisco Rizi (1614-1685) l’une des esquisses présentes dans son atelier, celle que son exécuteur testamentaire Fray Juan de Pina choisirait [8]. S’agissait-t-il de celle-ci ? Les lignes générales de la composition de la première œuvre connue de Rizi, une Sainte Famille avec saints, peinte peu après, se rapprochant tant de celles du Mariage mystique, il est tentant de penser que celle-ci aurait pu être l’esquisse offerte à Rizi comme souvenir de son maître.

Eduardo Lamas

NOTES :

[1] Old Master and 19^th Century Drawings [Tuesday, 3 July 2007], Christie’s, London, 2007, p. 77.

[2] Alfonso E. Pérez Sánchez, “Pintura madrileña del siglo XVII: Addenda”, dans Archivo Español de Arte, 49, 195, 1976, pp. 293-325, ici 300.

[3] Vicente Carducho, Sainte Agnès, huile sur toile, 263 x 201 cm, Madrid, Museo Nacional del Prado. Sur ce tableau, voir : Jesús Urrea, Pintores del reinado de Felipe III, Madrid, 1993.

[4] Alessandro Allori, Sainte famille avec le cardinal Ferdinando de’ Medici, huile sur toile, 263 x 201 cm, 1583, Madrid, Museo Nacional del Prado [P6].

[5] Simona Lecchini Giovannoni, Alessandro Allori, Torino, 1991, p. 260.

[6] Lugt: 542.

[7] La toile presente également une marque de collectionneur inconnue, représentant un ancre et un caducée.

[8] María Luisa Caturla, 1969, p. 174.