Le peintre Juan del Castillo (c. 1590 – c. 1657) était particulièrement lié à l’ordre des Pères prêcheurs, dont il reçut de nombreuses commandes [1]. Notamment, Castillo a peint  les huit tableaux pour le maître-autel de l’église du collège dominicain de Santa María de Montesión de Séville, aujourd’hui conservés au Musée des Beaux-Arts de la ville. Et par ailleurs, outre ses Madones au chapelet et  ses tableaux de Saint Dominique de Guzman, dont un identifié par Valdivieso dans une collection parisienne [2], Juan del Castillo peint à plusieurs reprises La remise miraculeuse du portrait de saint Dominique à Soriano  [3]. Trois de ces peintures sont conservées dans des couvents de l’ordre à Carmone [4], à Ossune [5] et à Séville [6].

Un autre tableau du même sujet peint par del Castillo se trouvait autrefois à Séville au collège dominicain de Montesión, dans le retable collatéral de gauche [7],  et encore un autre à l’église de San Jacinto [8]. Un dernier tableau du même sujet aurait figuré dans un ensemble six peintures sur un retable situé dans le chœur des moins à l’église du collège dominicain de San Pablo à Séville [9]. Ces tableaux furent commandés à Juan del Castillo en 1635, mais nous ne savons pas s’ils les peignit lui même ou s’ils furent finalement réalisés.

En 1810, le gouvernement du roi Joseph Bonaparte saisit un tableau de Juan del Castillo du même sujet qui fut déposé à l’Alcazar [10]. Un décret du roi ordonnait d’y réunir les œuvres d’art provenant des différentes institutions religieuses supprimées pour y créer le Musée Napoléon [11]. Ce tableau était celui de l’église de Montesión, dont les peintures du maître-autel -aujourd’hui au Museo de Bellas Artes de Séville- furent également déposés [12].

Plus de vingt ans plus tard, un tableau supplémentaire de Juan del Castillo, du même sujet, se retrouvait à Paris, faisant partie de la collection Aguado, réunie dans son hôtel particulier de la rue de la Grange-Batelière [13].

Enfin, en 1837 la collection d’Aniceto Bravo à Séville présentait une esquisse peinte de del Castillo du même sujet, tableautin qui avait été acquis auprès du peintre, restaurateur et marchand José Escacena (1855-1909)  [14].

Le tableau d’Aguado fut vendu en 1843 avec le reste de la collection [15]. Serrera et Valdivieso ont proposé de l’identifier avec le tableau provenant du collège de Montesión à Séville, celui qui avait été saisi en 1810 pour être déposé au Musée Napoléon à l’Alcazar [16]. Plus récemment, Valdivieso et Fernández López reprirent cette même hypothèse en proposant d’identifier le tableau d’Aguado avec une autre peinture de Juan del Castillo du même sujet vendu à Londres en 1990 [17]. Cependant, ce dernier tableau semble avoir une autre provenance.

Le tableau de Juan del Castillo vendu à Londres en 1990 ne peut pas être celui de la collection Aguado. En réalité, il était arrivé en Angleterre en faisant partie de la collection de sir John McPherson Brackenbury (1778-1847), vendue à Londres en 1848 [18]. Sur la notice du catalogue figure la mention suivante : « Juan del Castillo – San Domingo in Soriano – one of the celebrated pictures from the Convent of Monte Sion, Seville… this picture is mentioned in the work of Cean Bermudez, vol. i, p. 288 ». La date de la vente et le numéro du lot seraient inscrits à la craie de manière peu lisible sur le châssis du tableau.

Consul britannique à Cadix pendant vingt ans, McPherson constitua sa notable collection de peinture pendant son séjour en Espagne, et ce fut sans doute lui qui acheta le tableau à Séville.

Vraisemblablement, McPherson aurait pu acquérir le tableau auprès des gestionnaires du dépôt de l’Alcazar, ou à des agents agissant comme intermédiaires. Ceci expliquerait la disparition du tableau dans les registres de l’Alcazar sans laisser de trace, quelque part entre le printemps et l’été de 1814, dans le contexte du chaos administratif qui suivit la fin du règne de Joseph I en Espagne.

En effet, nous savons à présent que le tableau provenant de Montesión ne fit pas partie du butin français. Le 28 juillet 1813 et le 12 mars 1814, deux inventaires le signalent toujours parmi les œuvres réunies à l’Alcazar à Séville. Mais en juin et en août 1814, il ne fit pas partie non plus des tableaux rendus au collège des Dominicains par les autorités à la fin de la période française [19].

Le tableau de la collection McPherson pourrait donc en effet être celui de Montesión, mais en tous cas pas celui de la collection Aguado. Après la mort de McPherson, le tableau a été acquis par sir William Stirling-Maxwell (1818-1878), propriétaire de la plus importante collection britannique de peinture espagnole du XIX^e siècle [20]. Par la suite, le tableau fut hérité par son petit-fils le colonel William Joseph Stirling of Keir (1911-1983)  [21].

Le tableau de la collection Aguado pourrait être en réalité soit le tableau du collège de San Pablo, soit celui du couvent de San Jacinto à Séville. Malo Lara a proposé d’identifier ce dernier avec le tableau aujourd’hui conservé à Ossune à l’église Santo Domingo  [22].

Eduardo Lamas

NOTES :

[1] Lina Malo Lara, « Pinturas de Juan del Castillo para la orden dominica », dans Laboratorio de arte, 19, 2006, pp. 475-481. Sur Juan del Castillo, voir : Enrique Valdivieso, « Juan del Castillo, maestro de Murillo = Juan del Castillo, Murillo’s Master », dans El joven Murillo = The Young Murillo, cat. exp., Bilbao-Sevilla, 2009, pp. 47-65 et 460-466 ; Lina Malo Lara, « Juan del Castillo, maestro pintor del Barroco sevillano : revisión y aportaciones », dans Alfredo Morales (coor.), Congreso internacional Andalucía barroca, Sevilla, 2009, vol. 1, pp. 351-358 ; Lina Malo Lara, « Nuevos datos documentales sobre el pintor Juan del Castillo », dans Laboratorio de arte, 17, 2004, pp. 449-458.

[2] Enrique Valdivieso et José Fernández López,« Nuevas aportaciones al catálogo de la obra de los pintores Juan de Roelas y Juan del Castillo », dans Archivo Español de Arte, 74, 294, 2001, pp. 113-125, ici 119-120.

[3] Sur cette iconographie dans la peinture espagnole du XVIIème siècle, voir : José Fernández López, Programas iconográficos de la pintura barroca sevillana del siglo XVII, Sevilla, 2002, p. 89 ; Fernando Collar de Cáceres, « De arte y rito. Santo Domingo en Soriano en la pintura barroca madrileña », dans Anuario del Departamento de Historia y Teoría del Arte, 17, 2005, pp. 39-49.

[4] Juan del Castillo, La remise miraculeuse du portrait de saint Dominique à Soriano, huile sur toile, 272 x 180 cm, c. 1625, Carmone, couvent de Madre de Dios.

[5] Juan del Castillo, La remise miraculeuse du portrait de saint Dominique à Soriano,  huile sur toile, c. 1630-1635, Ossune, église paroissiale de Santo Domingo.

[6] Juan del Castillo, La remise miraculeuse du portrait de saint Dominique à Soriano,  huile sur toile, Séville, couvent de Madre de Dios.

[7] Antonio Ponz, Viaje a España, Madrid, vol. 3, 1988, p. 88 ; Juan Agustín Ceán Bermúdez, Diccionario histórico de los más ilustres profesores de las Bellas Artes en España, Madrid, 1800, vol. 1, p. 288 ; Félix González de León, Noticia artística, histórica y curiosa de todos los edificios públicos, sagrados y profanos de esta muy noble, muy leal, muy heroica e invicta ciudad de Sevilla, y de muchas casas particulares, con todo lo que les sirve de adorno artístico, antigüedades, inscripciones y curiosidades que contienen, Sevilla, 1844, vol. 1, p. 16 ; Valdivieso et Fernández López 2001, p. 119 (comme note 2) ; Juan Miguel González Gómez, « La devoción mariana en la Sevilla del siglo XVII : el retablo mayor y los colaterales del exconvento dominico de Monte Sión », dans Jutta Held (Hrsg.), Kirchliche Kultur und Kunst des 17. Jahrhunderts in Spanien, Frankfurt-am-Main, 2004, pp. 199-224, ici 221.

[8] Juan del Castillo, La remise miraculeuse du portrait de saint Dominique à Soriano,  huile sur toile, 315 x 230 cm environ, Localisation actuelle inconnue. Pour ce tableau, voir : Malo Lara 2009, pp. 356-357 (comme note 1).

[9] Enrique Valdivieso et Juan Miguel Serrera, Historia de la pintura española: escuela sevillana del primer tercio del siglo XVII, Madrid, 1985, p. 341, n° 93.

[10] Manuel Gómez Imaz, Inventario de los cuadros sustraídos por el gobierno intruso en Sevilla, año 1810, Sevilla, 1896 (éd. 1917), p. 122, n° 19.

[11] Rocío Ferrín Paramio et Manuel Moreno Alonso, El Alcázar de Sevilla en la Guerra de la Independencia : el Museo Napoleónico, Sevilla, 2009.

[12] Valdivieso et Serrera 1985 (comme note 9) ; Valdivieso et Fernández López 2001, p. 119 (comme note 2) ; González Gómez 2004 (comme note 7).

[13] Juan del Castillo, La remise miraculeuse du portrait de saint Dominique à Soriano, huile sur toile, 210 x 163 cm, localisation inconnue. Voir : Catalogue des tableaux des écoles espagnole, flamande, hollandaise, allemande, française, exposés dans la Galerie du Marquis de las Marismas, Paris, 1839, cat. n° 19.

[14] Séville, Université de Séville, Biblioteca del Laboratorio de Arte, Copia de los catálogos de don Antonio y don Aniceto Bravo, Sevilla, 8 de junio de 1837, Ms., sig. 9188, cat. n° 147. Sur Escacena, voir : Inmaculada Concepción Rodriguez Aguilar, Arte y cultura en la prensa : la pintura sevillana (1900-1936), Sevilla, 2000, p. 560.

[15] Catalogue de tableaux anciens des écoles espagnole, italienne, flamande, hollandaise et allemande, statues anciennes et modernes, marbres, etc. : composant la galerie de M. Aguado Marquis de las Marismas…, Paris, 1843, p. 23, cat. 105.

[16] Valdivieso et Serrera 1985, p. 354 (comme note 9) ; González Gómez 2004 (comme note 7).

[17] Valdivieso et Fernández López 2001, p. 119 (comme note 2). Pour la vente : Old Master Pictures [Christie’s London, 14 December 1990], London, 1990, pp. 74-76, lot 41.

[18] Catalogue of the Collection of Pictures of Sir John McPherson Brackenbury … from the Spanish, Dutch, Flemish, and Italian Schools, etc., Christie’s, London, 1848, lot 22.

[19] Rocío Ferrín Paramio et Manuel Moreno Alonso 2009, pp. 185, 206, 221-222, 231, 234 et 247 (comme note 8).

[20] L’Université de Glasgow et le Centro de Estudios Europa Hispánica 0 Madrid préparent sous la coordination d’Hilary Macartney le catalogue raisonné de la collection de peintures espagnoles de Stirling-Maxwell.

[21] Londres 1990, pp. 74-76, lot 41 (comme note 17).

[22]  Malo Lara 2009, p. 357 (comme note 1).

 

Eduardo LAMAS-DELGADO

 

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